Comment aborder la sexualité quand la perte d'autonomie rentre en jeu ?
“La maladie de mon mari a fait évoluer notre vie sexuelle, mais on garde une forte tendresse l'un pour l'autre” nous racontait Anouk il y a quelques mois.
La sexualité des proches aidant·es : en voilà un sujet dont on ne parle pas assez. En effet, bien que la vie sexuelle change au fil du temps et de la relation, la perte d’autonomie et la casquette d’aidant·e peuvent accentuer cette évolution. Mais cela ne signifie pas qu’il faille cesser toute activité sexuelle. Il existe des solutions pour vous (ré)inventer et continuer à être épanoui·e.
Quand la perte d’autonomie impacte la sexualité
Tout d’abord, les différents rôles que l’on endosse en tant qu’aidant·e peuvent nous éloigner de notre place initiale, qui est celle d’être un·e partenaire amoureux. L'équilibre de toute une vie se retrouve chamboulé et le regard porté sur l’autre peut changer. On peut avoir des relations de type parent/enfant qui viennent s'installer et contrarier une activité sexuelle classique.
Sur ce point, la psychologue Maïté Fontaine nous partage un exemple très représentatif : “Je me souviens de cette femme, qui m’expliquait que, toute sa vie, elle avait travaillé avec son mari, un chercheur. Elle avait beaucoup d'admiration pour ses capacités intellectuelles. Et lorsque la maladie est arrivée, elle n'arrivait plus à le reconnaître. L’accompagner au quotidien faisait qu’elle était dans une relation assez infantile vis-à-vis de lui, elle disait qu’il faisait des bêtises par exemple.”
Ajouté à cela, la fatigue, la responsabilité ou encore la charge mentale liées à la relation de proche aidant·e peuvent se répercuter sur les désirs intimes.
Enfin, du côté de la personne aidée, la perte d’autonomie peut venir fragiliser sa confiance en elle. Résultat : elle peut ne plus avoir envie ou ne plus se sentir en capacité de maintenir une vie sexuelle. “La venue de potentielles aides à domiciles peut également être vécue comme un envahissement du territoire intime” complète Maïté Fontaine, psychologue.
Des difficultés qui varient selon le degré de perte d’autonomie
Dans le cadre d'une perte d'autonomie physique, un handicap, moins de mobilité ou d’éventuelles douleurs peuvent entraver une activité sexuelle classique. “La maladie de Parkinson de ma femme lui a développé certaines douleurs génitales. On essaye donc de conjuguer avec cela pour que chacun s'y retrouve” relate par exemple Philippe. Ce qui n’est pas facile en tant que conjoint·e aidant·e c’est de comprendre ce que ressent ou pense l’autre. Le risque ? Que la personne aidée ne se sente pas comprise dans son vécu.
Et si la perte d'autonomie se situe plus au niveau des fonctions intellectuelles, c’est la communication qui va s’avérer plus compliquée. Il peut alors être difficile de décoder les désirs de la personne. Maïté Fontaine précise : “On peut se retrouver un peu démuni car l’aidé·e peut exprimer ses désirs de manière différente ou inhabituelle : dans certains cas, ses désirs sexuels peuvent augmenter alors que dans d’autres, celle-ci aura davantage besoin d’être rassurée, ou souhaitera des relations plus affectives que sexuelles”.
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3 conseils pour continuer à s’épanouir mutuellement
Il n’existe pas de sexualité parfaite ou statique. Chaque personne et chaque couple a sa façon de l’exprimer et de la vivre. Les expériences et les circonstances la font évoluer au fil des années. L'important sera de garder ce lien de complicité amoureuse.
Pour y parvenir, on vous recommande :
- D’avoir une conversation ouverte sur le sujet. S’écouter et se parler sont des clés essentielles pour aller de l’avant. Bien que cela puisse être tabou au sein du couple, c’est surtout l'occasion de parler de choses qui ont constitué votre relation depuis toujours et qui demandent aujourd'hui à être (ré)évoquer ensemble. Cela vous semble trop compliqué ? Vous pouvez vous aider de quelqu'un d'extérieur dont c’est le métier : par exemple un·e psychologue ou un·e sexologue. C’est ce qu’a fait Henri, un aidant de la communauté Bonjour Fred : “En parler avec une psy m’a permis de me mettre à la place de ma conjointe atteinte d’un cancer et de comprendre ce qu’elle pouvait ressentir. Ça a été un premier pas pour lancer la conversation avec elle par la suite.”
- De mettre en place des choses pratiques quand cela est possible. Vous pouvez par exemple déléguer l'aide à la toilette qui est souvent considérée comme une contrainte et peut pénaliser le rapport au corps de son·sa conjoint·e.
- De cogiter à votre façon d'envisager la sexualité et de remanier la notion d’intimité. Il existe une multitude de langages de l’amour et même si la sexualité que vous aviez l’habitude de pratiquer n’est plus possible, elle peut s’orienter vers d’autres choses : le toucher, les caresses, les baisers... Cela peut être aussi passer par des mots doux ou des petites attentions. “De notre côté, nous avons remplacé l’intimité par des bisous 100 fois par jour” raconte Pierre qui accompagne sa femme. Même son de cloche chez Nathalie : “Atteint d’Alzheimer, mon mari se souvient quand même que je suis sa femme ou plutôt “son petit couteau suisse” comme il m’appelle. Câlins, bisous, tendresse sont notre quotidien pour continuer à faire vivre nos flammes intérieures.”
BON À SAVOIR
Gardez en tête que votre couple a son propre parcours de vie avec énormément de richesse dans laquelle vous pouvez puiser. Ce qui importe est que chacun·e d’entre vous se respecte et se sente respecté·e.
Pour aller plus loin :
- Votre proche devient méchant·e lorsque vous abordez ce sujet ? On a écrit un autre article par là pour mieux gérer l’agressivité de son proche.
- Vous proche est atteint d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée ? Vous pouvez lire cet article juste ici. De nombreux conseils pour aborder la sexualité malgré les pertes cognitives y sont partagés.
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